PETIT GUIDE DU JEU DE RÔLE
FACILE AVEC TROIS FACES
Par Poisson Fécond


♫ Mettez-vous à l'aise avec cette musique d'ambiance ♫
L


a créature te fonce droit dessus ! Elle brandit en l'air ses griffes aussi longues que des couteaux, avant de les abattre sur toi, pour tenter de te transformer en saucisse-cocktail. Que fais-tu ?

Je prends le tonneau à côté de moi, et le soulève pour que ses griffes viennent s'empaler dessus !

D'accord, comme tu es plutôt barraqué, mais que tu es dans le feu de l'action et que le tonneau n'est pas très léger, tu me fais un lancer normal pour savoir si tu réussis ton action.

OK ! Je lance les 3 faces sur la table... *Roulement de tambour* 2 faces blanches et 1 noire.

Réussite ! Tu as juste le temps de soulever le tonneau, que déjà la créature vient de se jeter dessus et enfoncer ses griffes dans le bois. Elle pousse des grognements de rage, mais ses griffes restent désespérement coincées dedans.

Très bien... Je lâche le tonneau, et en profite pour dégainer mon épée et lui trancher sa sale tête !

Comme la créature est coincée, elle ne peut pas esquiver ton attaque, et donc tu réussis comme un chef à lui couper en deux son cou. Tu vois sa tête grimaçante faire un vol plané, avant de retomber par terre, en roulant jusqu'à tes pieds dans une mare de sang verdeâtre.

V


oilà un exemple de partie de jeu de rôle qui pourrait vous arriver un jour, qui sait ? Et comme je le disais dans ma vidéo sur ma propre expérience des jeux de rôle, c'est quelque chose qui offre une liberté incomparable, et qui fait grandement carburer son imagination. Et c'est justement ce que je recherche avant tout quand je joue à ça, on tombe plutôt bien ! C'est pour cela que dans le système des 3 faces que je vais vous expliquer, on évite tout ce qui est feuille de personnage complexe, et jets de dés avec calculs fastidieux pour savoir si on a réussi ou non son action.

Les bases du jeu de rôle

Tout d'abord, il faut choisir l'univers dans lequel vous allez vouloir vivre une aventure. Est-ce de nos jours ? Est-ce du médiéval-fantastique ? Du futuriste ? Cela peut aussi se passer dans quelque chose de déjà existant : Harry Potter, Star Wars, Sherlock Holmes, Winny l'Ourson, et j'en passe. Il existe aussi des univers déjà tout faits "prêts à l'emploi", trouvables sur Internet ou en papier, et taillés pour les jeux de rôle (Donjons & Dragons, aventures à la Lovecraft...), mais qui nécessitent de se plonger dans une assez volumineuse documentation.

A partir de l'univers sur lequel vous partez, parmi les joueurs présents dans la partie, vous aller choisir qui sera le maître du jeu parmi l'un d'eux. Son rôle est hyper important : c'est le garant de cet univers, qui se chargera de le faire vivre, et de fournir des aventures excitantes, ni trop dures ni trop faciles, aux joueurs. C'est pour ainsi dire le dieu omniscient du monde ; mais un dieu qui doit être juste, pour ne pas frustrer les joueurs. Exemple : n'allez pas faire apparaître un éclair dans un ciel sans nuage qui irait tous les réduire en cendres, sous prétexte que l'un d'eux s'est amusé à incendier l'auberge dans laquelle se trouvait le personnage qui était censé leur fournir la quête que vous vous êtes fait chier à leur concocter.

Et les joueurs incarnent donc les héros de ce monde. Et par héros, ça ne veut pas forcément dire qu'ils sont surpuissants, mais simplement que ce sont eux qu'on suit. Ca pourrait aussi bien être des clodos ou des handicapés moteurs, si ça les amuse.

Il y a toujours un maître du jeu et au moins 1 joueur. L'idéal étant d'avoir 2, 3 ou 4 joueurs. Sachant que plus il y a de joueurs, plus le temps d'attente entre chacun de leur tour est long, et donc que l'histoire rame comme un vieux rafiot pour avancer ! A partir de ça, c'est au maître du jeu de fabriquer un scénario, comme dans un roman ou un film, dans lequel les joueurs vont être baignés. Exemple :

L'histoire prend naissance dans l'univers de Harry Potter. Les 3 joueurs sont chacun des élèves de l'école de sorcellerie Poudlard. Et alors que l'année scolaire suit son cours, une élève de l'école, du nom de Lumia, est kidnappée par un sombre individu, qui l'emène dans la Forêt Interdite. Les 3 joueurs étaient tous très proches cette élève, ils n'ont alors qu'une seule envie : aller la sauver. Et c'est ici que leur aventure commence !

Une fois que le maître du jeu a donné le scénario, vient la création des personnages...

La fiche de personnage

La fiche de personnage, c'est un peu la carte d'identité du héros. Chacun des joueurs doit en faire une, ne serait-ce que pour mettre l'essentiel (le maître du jeu n'a donc pas à en faire une, lui). Mais c'est là que je prends mes distances avec les jeux de rôle plus "académiques", où on peut passer un temps fou à choisir sa race, ainsi que sa classe, puis répartir ses points de compétences, de forces, agilité, intelligence, etc. Je me souviens d'avoir passé bien 2 à 3 bonnes heures dans certains de mes premiers jeux de rôle, juste pour remplir ce foutu bout de papier. Et le comble, c'est que 90% de ce que j'ai écrit n'a pas servi une seule fois dans le reste de la partie. Tristesse.

... Après, je sais que certains apprécient cette étape longue et minutieuse, et ça ne me pose aucun souci. Mais ici, je vous proposerai quelque chose de beaucoup plus rapide. Le temps de réfléchir à votre personnage et d'écrire tout ça, en 10 mn, l'affaire peut être dans le sac et la partie commencer.

J'ai créé un modèle-type compact de fiche de personnage spécialement pour vous ♥ :


Cliquez sur la fiche pour télécharger le PDF prêt à imprimer (papier A4 normal).
Il y a 2 fiches sur la feuille : coupez-la en deux et distribuez une fiche par joueur.

Comment remplir ce p'tit papier, maintenant ? Hé bien, si on reprend le scénario dans le monde de Harry Potter, voilà un exemple de ce qu'on pourrait avoir, parmi les 3 héros-élèves de l'aventure :

Nom : Alberto VICOMTE | ♦ Métier : Élève de Poudlard, 17 ans | ♂ Sexe : Garçon

♦ Histoire : Alberto a des parents moldus, et lui-même était destiné à devenir avocat. Mais par un heureux hasard, Lumia (la fille kidnappée), son amie d'enfance lui fit découvrir qu'il avait des dons magiques ! C'est grâce à elle qu'il parvint à rejoindre la célèbre école de sorcellerie. Durant sa scolarité, Lumia fut toujours là pour le protéger quand il se faisait traiter de "sang de bourbe", et autres joyeuses insultes.

♥ Forces : doué en magie de feu, très bon tireur de sorts
♠ Faiblesses : phobie de l'eau, perd ses moyens quand on rabaisse ses parents

◙ Objets : baguette magique, robe de sorcier

L'histoire du héros est en partie là pour expliquer ses motivations à remplir
la quête. En l'occurrence, ici avec le p'tit Alberto, on voit que la fille kidnappée est son amie d'enfance, et donc qu'il a toutes les raisons de vouloir la sauver. Quelques lignes peuvent suffirent. Les autres joueurs devront trouver une autre raison de pourquoi ils veulent sauver Lumia. Exemple : c'est la petite amie du 2ème joueur ; et pour le 3ème, Lumia lui a volé un objet très précieux, et pour le récupérer il doit donc la retrouver.

Les forces et faiblesses sont très importantes, car c'est ce qui remplace ici toutes les caractéristiques d'un jeu de rôle plus traditionnel. Alberto est un bon tireur de sorts. Dans un JDR classique, vous lui donneriez logiquement plusieurs points en dextérité. Ici, cette simple phrase "Très bon tireur" suffit. Et le maître du jeu devra en tenir compte lors du lancer des 3 faces (dont on parlera ensuite), pour que lorsqu'une action est liée à ses talents de tireur, il ait plus de chances de la réussir.

Et idem pour les faiblesses. Pour Alberto, comme il a peur de l'eau, s'il se retrouve sur un radeau au milieu d'un lac, le maître du jeu fera en sorte qu'il se sente nerveux et moins à même de réussir ce qu'il entreprend. Et si en plus à ce moment-là on traite sa mère de sale pute (2ème faiblesse), le gamin est clairement mal barré !

A noter que votre personnage doit avoir autant de forces que de faiblesses. Et si vous lui mettez une très grande force, vous devrez équilibrer la balance avec une très grosse faiblesse (le maître du jeu a le droit de mettre son véto s'il estime que ça va déséquilibrer trop la partie). Commencer avec 1 force et 1 faiblesse est un bon début pour s'initier au jeu de rôle. Pas besoin de blinder. En outre, si le métier de votre héros implique certaines qualités, alors il faut les retranscrire dans ses forces. Exemple : vous êtes guérisseur, donc comme force vous auriez par exemple "don pour soigner par la magie".

Les blessures ici remplacent la jauge de points de vie classique. Au début, vous n'avez rien à écrire ici. Votre personnage est en pleine forme. Exemple : vous n'avez pas 20 pv, et ne prenez pas 4 de dégâts quand vous recevez une flèche dans la jambe. Ici, vous écrirez juste "flèche plantée dans la jambe". Ce qui aura des conséquences sur la suite de votre jeu : vous boitez, poussez des grognements de douleur, et risquez de trébucher plus facilement. Si vous restez longtemps sans soin, la blessure risque de s'infecter, et donc vous écrirez "fièvre due à blessure à la jambe". Et si ça s'arrange pas, vous êtes bon pour la morgue. Beurph.

C'est au bon sens du maître de jeu de simuler tout cela, et en utilisant à bon escient le système des 3 faces pour faire jouer le hasard et la chance du joueur.

Enfin, les moments forts vécus reste lui aussi vide au départ. Et c'est durant la partie que le joueur remplira cette partie en notant juste les instants momérables de son aventure ; histoire d'en garder une trace écrite. Mais ce n'est pas obligatoire !

Une fois les feuilles de personnage faites, en tant que maître de jeu, invitez les joueurs à présenter oralement la leur à tour de rôle. Ca permet, en même temps que de s'informer, d'avoir les premiers fous-rires à l'idée des saloperies qui pourront leur arriver...

Le système des 3 faces

Et c'est à partir de là que commence le jeu ! Le maître du jeu présente alors la situation et où se trouvent les joueurs, et leur demande à la fin ce qu'ils veulent faire. Exemple, pour reprendre l'univers de Harry Potter :

Tu es dans l'un des couloirs du château de Poudlard en plein après-midi d'automne. Il y a plein d'élèves qui circulent en robe de sorciers. Ton amie a été kidnappée depuis hier soir, et tu as hésité toute la nuit sur ce que tu devais faire pour la secourir, sans réussir à te décider. Que fais-tu ?

Le joueur peut alors demander des précisions sur son environnement, et/ou dire ce qu'il compte faire. Si cette action est sans danger et prévisible, tel qu'aller au prochain cours de sorcellerie, ou aller faire un gros caca aux toilettes, alors il l'exécute sans souci.

En revanche, si son action a un risque d'échouer, qu'elle est pour lui un défi (lié à la situation, ou à ses forces et faiblesses), alors vous allez utiliser le système des 3 faces pour déterminer s'il va la réussir ou non. Cet élément de hasard est ce qui donne du sel à l'histoire, qui lui donne un élément d'imprévisiblité qui peut être très excitant et addictif. Une putain de drogue, oui, voilà.

L'idée du système des 3 faces

Les dés me posaient un problème dès le départ, car leurs chiffres renvoient aux mathématiques, au fait de compter, et ne sont pas assez intuitifs - qui plus est, tout le monde n'en a pas toujours chez soi (si si). C'est alors en réfléchissant à une alternative que j'ai finalement trouvé les pièces de monnaie : celles-ci on une pile et une face. Il suffit de colorier l'une ou l'autre en noir, et ainsi, en la lançant ça permettra déjà de générer une réussite (face normale) ou un échec (face noire).

Mais les jeux de rôle ont ça d'unique est qu'ils permettent aussi des réussites critiques, ou des échecs critiques dans leur génération du hasard. Autrement dit, réussir merveilleusement bien une action, ou la foirer comme ce n'est pas permis ! Et ça, une simple pièce ne permet pas d'en rendre compte.

J'ai donc fait des tests avec plus ou moins de pièces de lancer et de savants calculs, et au final, j'en suis venu au fait que c'est avec 3 pièces qu'on est capable de produire là aussi des réussites et échecs critiques, avec une certaine rareté ! Ni trop peu, ni trop souvent. Et tout cela, en gardant le système toujours aussi simple et intuitif à utiliser.

On peut aussi remplacer les pièces par des morceaux de papiers pliés en plusieurs fois, pour les rendre plus lourds et agréables au lancer, colorier en noir l'une de leur face, et les plastifier avec du scotch (personnellement, je préfère). Tadaaam, les 3 faces étaient nées !

Supposons que le joueur se retrouve dans la forêt interdite. A un moment, il est pourchassé par un mage noir clairement pas très amical. Dans sa course, il s'approche dangereusement d'un gouffre qui divise en deux le paysage forestier, et faisant bien 3m de largeur. Si le joueur décide de sauter par dessus le gouffre, comme c'est une action risquée, le maître du jeu va lui demander à priori de faire un lancer normal.

Un lancer normal implique de lancer les 3 faces. Il a alors statistiquement :

► ½ de réussir (+ de blancs que de noirs).
► ¼ que cette réussite soit une réussite critique (que des blancs) - donc ¾ qu'elle soit juste normale.
► Idem pour l'échec : ½ d'échouer (+ de noirs que de blancs).
► Et ¼ que l'échec soit critique (que des noirs).

Mais le maître du jeu peut aussi lui demander de faire un lancer facile. C'est le cas si par exemple dans les forces du joueur, il a spécifié qu'il était agile (ou quelque chose du genre), ou encore que le gouffre n'est pas très large - et donc le défi moindre. Le lancer facile implique de poser une face blanche sur la table, et de lancer les deux restantes. Il a alors statistiquement :

► ¾ de réussir (+ de blancs que de noirs).
► ⅓ que cette réussite soit une réussite critique (que des blancs).
► et ¼ d'échouer (+ de noirs que de blancs).

Mais si ce pauvre joueur au contraire avait une flèche plantée dans la jambe, le faisant donc boiter, ou que son personnage avait dans ses faiblesses qu'il était obèse, on peut être sûr que le maître du jeu lui aurait demandé de faire un lancer difficile. Soit une face noire sur la table, et lancer les deux restantes. Statistiquement :

► ¾ d'échouer (+ de noirs que de blancs).
► ⅓ que cet échec soit un échec critique (que des noirs).
► et ¼ de réussir (+ de blancs que de noirs).

Et selon le résultat des 3 faces, le maître du jeu décrit les conséquences que cela a sur l'action. Si le joueur réussit, on peut imaginer qu'il saute par dessus le gouffre de justesse, en s'écorchant un peu par terre. S'il échoue, il se rate et tombe dans le gouffre, mais en réussissant à s'agripper in extremis à un bout de rocher. Et un échec critique là-dedans, me diriez-vous ? Oh là là... Son personnage a le malheur de trébucher avant de sauter, et plonge dans le gouffre à toute vitesse la tête la première.

Pour résumer visuellement les différents lancers possibles :

À vous les réussites critiques !

Il resterait encore des tas de choses sur lesquelles parler, mais cet article n'a pas vocation à être une bible. C'est donc à présent à votre tour de vous lancer, si le coeur vous en dit ! (Faut aussi quelques amis à prendre en otage.) Que vous utilisiez ce système simplifié, ou celui plus classique des dés, dans tous les cas, les jeux de rôle - quand ils sont bien faits - offrent un plaisir incomparable, et de franches parties de fous rire ! Pour me voir en action avec un tel système, vous pouvez suivre ma première aventure dans un univers science-fiction, moi et mes deux espadons.

Quelques autres aventures de jeux de rôles à suivre, avec d'autres systèmes de jeu (en français) :

La série Adventure du Joueur du Grenier

Donjon & Jambon

Les Chroniques du Necronomicon

Qui plus est, si vous sentez que votre destin se joue là-dedans, vous trouverez facilement en ligne des tas de sites et d'outils pour vous aider à créer et mener de parties meilleures comme maître de jeu. Je vous souhaite quant à moi de joyeux échecs critiques, et à une prochaine sur ma chaîne ! ◼

~ Poisson Fécond, sept. 2016